CHRONIQUE
DES PLUMEAUX ET DES LIONS
Importance du plumeau.
L’homme n’est que poussière. C’est
dire l’importance du plumeau. On en a raconté ou écrit cent sottises. Par
exemple : « Il ne fait que déplacer la poussière. » Je voudrais
savoir ce que fait un torchon ! Déplacer la poussière, depuis le
commencement du monde, est la seule façon de nettoyer ! Le plumeau déplace
la poussière avec une grande utilité : il la fait passer d’un endroit
inaccessible à un endroit où on peut l’attraper. Cherchez à nettoyer avec un
torchon sale la tranche d’un livre qui est resté vingt-cinq ans dans un
grenier. Vous l’encrasserez un peu plus. J’ai essayé personnellement de la
lessive et de plusieurs acides. Les résultats sont ridicules, le livre rétrécit !
Et la rainure exaspérante qui sépare l’empeigne
et la semelle dans un soulier légèrement poussiéreux. Le fond du rebord de la
semelle ? Avec quoi l’époussèterez-vous ? Ne répondez pas pour moi, c’est
moi qui vais vous le dire : avec un plumeau extrêmement fin. Le plumeau ventile
et caresse. De plus il donne à la chaussure un inégalable brillant. Quoi de
plus beau que des chaussures brillantes sur les pieds d’un homme distingué ?
Immobile, sur le pas de sa porte, en train de se demander s’il pleuvra.
Alexandre Vialatte, Chroniques de
La Montagne (493)
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