LE
VAUTOURTERELLE
Une ombre surgit sur le haut plateau.
Elle danse et l’herbe sur son passage se couche. A vive allure, l’ombre évolue,
comme un train dans la nuit. Soudain, elle s’immobilise. La terre tremble. Sur
le plateau, chacun retient son souffle. L’ombre se fait plus précise, elle
s’immobilise. Une marmotte siffle pour donner l’alerte, et ses congénères se
cachent du mieux qu’elles peuvent. Les escargots rentrent leurs antennes et se
précipitent dans leurs terriers. Les agneaux se blottissent sous les brebis.
Les chamoiseaux glissent leur bec sous leurs sabots avant. L’ombre se rapproche.
On entend le lent battement des immenses ailes. Voilà l’ombre noire immense qui
recouvre le plateau.
Alors lentement, le vautourterelle se
pose et cueille entre ses serres acérées un edelweiss. Car si le vautourterelle
a l’envergure et la vitesse du vautour, il a la douceur et la délicatesse de la
tourterelle ; et c’est pour orner son aire que le vautourterelle vient de
cueillir un edelweiss.
Jacques Roubaud et Olivier Salon, Anthologie
de l’OuLiPo
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