dimanche 3 mai 2020


Les incipit de Colette (6)

pour donner envie d'aller plus loin...

« Pour faire une bonne tournée, une tournée vraiment agréable, il faut…
- Oui je sais, il faut un nom connu, un talent consacré par la Ville lumière, voire une vedette un peu scandaleuse…
- Qui vous parle de ça ? Pour faire une bonne tournée, il faut une santé solide, une humeur à toute épreuve, des nerfs point surmenés, un estomac et un intestin bien disciplinés, et surtout cette sorte de nonchalance optimiste, ce fatalisme qui fait, d’une troupe en tournée, une caravane de pèlerins où la foi, latente, endormie, se manifeste rarement, mais suffit pourtant à les conduire, de station en station, vers le but jamais atteint, vers le repos… »
Notes de tournées
*
C’est à Flers qu’un train cahoteur et pas pressé nous jette, nous abandonne, troupe ensommeillée, bâillante et geignarde, par un après-midi de beau printemps acide, éventé de brise d’est, bleu, rayé de nuées légères, odorant de lilas à peine ouverts…
L’Envers du music-hall
*
Le peu qu’une femme puisse apercevoir d’elle-même, ce n’est pas la calme et ronde lumière d’une lampe, allumée tous les soirs sur la même table, qui le lui montre. Mais, à changer de table, de lampe et de chambre, qu’ai-je acquis ? Le soupçon, bientôt la certitude, que tous les pays vont se ressembler, si je ne trouve le secret de les renouveler, en me renouvelant, moi.
L’Entrave
*
La guerre ?... Jusqu’à la fin du mois dernier, ce n’était qu’un mot, énorme, barrant les journaux assoupis de l’été. Peut-être, oui, très loin, de l’autre côté de la terre, mais pas ici…
Les Heures longues
*
Je songe, penchée sur cette cuve, aux solfatares, près de Naples. Cela bout ici, fermente à peine là ; il y a des zones inertes, que l’ébullition n’a pas gagnées, qu’elle ne gagnera jamais. Un coin crépitant frémit, sursaute, comme ces places de la solfatare, où le sable, bouillant à sec, danse en grains irrités.
Dans la foule (« À la chambre des députés »)

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