Médisance, calomnie et repentir de Pascal… et le long travail
qu’il faut pour être bref.
Car il ne s'y faut pas
tromper : on ne se moque point de Dieu, et on ne viole point impunément le
commandement qu'il nous a fait dans l'Evangile, de ne point condamner notre
prochain sans être bien assuré qu'il est coupable. Et ainsi, quelque profession
de piété que fassent ceux qui se rendent faciles à recevoir vos mensonges, et
sous quelque prétexte de dévotion qu'ils le fassent, ils doivent appréhender
d'être exclus du royaume de Dieu pour ce seul crime, d'avoir imputé d'aussi
grands crimes que l'hérésie et le schisme à des prêtres catholiques et à de
saintes religieuses sans autres preuves que des impostures aussi grossières que
les vôtres. Le démon, dit M. de Genève, est sur la langue de celui qui médit, et
dans l'oreille de celui qui l'écoute. Et la médisance, dit saint Bernard, Cant.
24, est un poison qui éteint la charité en l'un et en l'autre. De sorte qu'une
seule calomnie peut être mortelle à une infinité d'âmes, puisqu'elle tue non
seulement ceux qui la publient, mais encore tous ceux qui ne la rejettent pas.
Mes Révérends Pères, mes Lettres
n'avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d'être si étendues. Le peu
de temps que j'ai eu a été cause de l'un et de l'autre. Je n'ai fait celle-ci
plus longue que parce que je n'ai pas eu le loisir de la faire plus courte.
La raison qui m'a obligé de me hâter vous est mieux connue qu'à moi. Vos
réponses vous réussissaient mal. Vous avez bien fait de changer de
méthode ; mais je ne sais si vous avez bien choisi, et si le monde ne dira
pas que vous avez eu peur des Bénédictins.
Je viens d'apprendre que celui
que tout le monde faisait auteur de vos Apologies les désavoue, et se fâche
qu'on les lui attribue. Il a raison et j'ai eu tort de l'en avoir
soupçonné ; car, quelque assurance qu'on m'en eût donnée, je devais penser
qu'il avait trop de jugement pour croire vos impostures, et trop d'honneur pour
les publier sans les croire. Il y a peu de gens du monde capables de ces excès
qui vous sont propres, et qui marquent trop votre caractère, pour me rendre
excusable de ne vous y avoir pas reconnus. Le bruit commun m'avait
emporté : mais cette excuse, qui serait trop bonne pour vous, n'est pas
suffisante pour moi, qui fais profession de ne rien dire sans preuve certaine,
et qui n'en ai dit aucune que celle-là. Je m'en repens, je la désavoue, et je
souhaite que vous profitiez de mon exemple.
Pascal, Provinciales,
XVI
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