De nos longs travaux sur la civilisation grecque au temps
d’Alexandre le Grand résulte ceci qu’on peut considérer à bon droit le vieux
Diogène comme père de l’automobilisme, ou, pour parler plus juste, de l’autoneaumobilisme, ou encore du tonneautomobilisme.
Le tonneau qui servait de demeure à Diogène peut être admis
comme la première roulotte connue, une roulotte sans chevaux, bien
entendu 1.
Quant au mode de traction, ou, pour être tout à fait exact,
de propulsion, c’est là que j’apporte ce
qu’il y a de plus fraîchement débarqué en fait de documents.
Dans tous les traités d’histoire, mesdames et messieurs, il
est question du cynisme de Diogène.
Ce mot cynisme, jusqu’à
l’heure présente, fut interprété dans le plus faux des sens.
Un grand nombre de personnes et même de professeurs sont
persuadés que Diogène était surnommé le Cynique parce
que, n’ayant pas plus de pudeur qu’un chien, il se conduisait comme un cochon,
si j’ose m’exprimer ainsi.
Biffez, bonnes gens, cette erreur, de vos tablettes.
Le mot cynisme, en ce qui regarde Diogène, doit être
interprété dans un esprit purement sportif, comme, par exemple, hippisme, cyclisme,
etc.
Le vieux philosophe grec pratiquait le cynisme comme le comte de Dion la voiture à
vapeur, et Jacquelin le vélo, c’est-à-dire que, dans ses déplacements, il
faisait rouler son tonneau par deux de ces molosses de Rhodes si réputés
pour :
Leur vigueur à la fois et leur docilité.
Les bons toutous prenaient, si j’en crois mes documents, un
vif plaisir à pousser de leurs pattes agiles la roulante demeure de leur très
sage patron, cependant que le philosophe cheminait derrière eux avec, entre les
dents, la pipe morale du mépris de l’humanité.
Ce patriarchal appareil ne rappelle évidemment que de très
loin les moto-cars de chez Comiot, mais pour l’époque !...
Alphonse
Allais, « Un point d’histoire rectifié », Pour cause de fin de
bail
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