Les pauvres et la peste
Une autre sorte d’esclavage qu’on exerce encore en temps de
peste, sont les barraques dans lesquelles on renferme les pauvres, comme s’il
étoit possible d’imaginer que l’art de purifier l’air, fut l’assemblage en des
lieux resserrez de tout ce qui contribuë le plus à son infection ? car il
est convenu que les pauvres répandus au large dans toute une Ville, peuvent par
leur negligence, leur mauvaise nourriture & leur malpropreté en corrompre
l’air, que n’aura-t’on point à craindre de toutes ces causes d’infection ramassées
& concentrées dans un seul endroit ? Mais d’ailleurs les devoirs de la
charité chrétienne peuvent-t’ils s’accorder avec l’impitoïable dureté d’ôter à
des gens destituez de tout, le seul bien qui leur reste, c’est-à-dire la
liberté ? On sçait déja, & c’est l’avis de tout le monde, que les
pauvres font partie des habitants d’une Ville pestiferée sur laquelle la peste
exerce le plus de furie : seroit-ce donc que l’on voulût lui en faire le
sacrifice entier en les exposant à une infection plus certaine ? Il
paroîtroit du moins qu’on voudroit s’en défaire, tant on se permet de choses à
leur desavantage, & pour les éloigner ; car le parti est pris, il faut
ou les enfermer ou les barraquer, sinon les obliger à quitter leurs maisons,
leurs métiers & les Villes ; car ce n’est pas seulement sur les
mendians ou gens sans feu ni lieu qu’on exerce cette inquisition, on
l’étend aux artisans mêmes dont on ordonne de viuder les boutiques en obligeant
les Maîtres de renvoïer la plûpart de leurs Compagnons… »
Traité de la peste, par un
Medecin de la Faculté de Paris (Hecquet), à Paris, rue S. Jacques, chez
Guillaume Cavelier fils, 1722, p. 245 à 247.
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