mercredi 8 avril 2020


La chloroquine, déjà , en M. DCC. XXII.

Je ne crains pas de vous proposer, Monsieur, jusqu’à mes conjectures ; mais je vous supplie de remarquer qu’elles ne roulent que sur des remedes, qui n’ont rien de ces drogues fatales dont on se permet trop volontiers l’usage en matiere de peste, ou pour la guerison de grandes maladies : ce sont d’ailleurs des alterants que je propose, calmants de leur nature, lesquels par consequent ne laissent rien à appréhender de ces troubles désolants qui suivent trop souvent l’usage des évacuants de telle espece qu’ils soient.
Afficher l’image sourceAvec cette précaution j’ai l’honneur de vous proposer l’étonnement où vous serez, Monsieur, je m’assûre, comme moi, quand vous y aurez fait attention ; c’est sur l’oubli où l’on paroît jusqu’à present avoir été touchant l’usage du quinquina donné d’abord pour la guérison de la peste. Toute la Medecine est aujourd’hui convaincuë de la vertu merveilleuse & prompte de ce remede pour guérir les fiévres ; l’on en a étendu l’usage aux fiévres continuës : & un grand Medecin d’Italie vient de faire voir sa vertu specifique pour guerir en peu d’heures des fiévres intermittentes, malignes au point de tuer le malade vers le troisiéme accès : deux autres Praticiens celebres en Angleterre avoient avant lui montré l’usage du quinquina pour la guérison de ces fiévres affreusement malignes, qui surviennent quelquefois après la suppuration des petites veroles confluentes : n’est-ce point une avance déja faite pour l’usage de ce remede dans des cas perilleux & promts qui laissent peu de temps au Medecin pour se reconnoître ? La peste est de ce genre ; et quoiqu’on en publie, c’est une fièvre maligne autant au-dessus des fiévres malignes ordinaires, que ces fiévres malignes sont au-dessus des fiévres continuës. Quel inconvenient donc pourroit-t’il y avoir à donner courageusement ce remede à la maniere de M. Torti, en y mêlant peut-être le nitre ou l’opium même, ou peut-être tous les deux, l’un pour combattre l’ardeur du sang, l’autre pour hâter l’effet du remede ? Un pareil essai tiendroit-t’il de l’empirisme ? ne seroit-ce pas plutôt une pratique à autoriser depuis que les relations nous apprennent que l’on a vû dans ces dernières pestes des malades à qui le quinquina avoit été utile, parce qu’enfin la peste dont ils étoient attaquez avoit dégeneré en fièvre continuë accompagnée de redoublemens. Ceci est du moins une pensée que des Medecins occupez du progrès de leur art, peuvent s’entre-communiquer, surtout sur une matiere si interessante & sur laquelle la Medecine paroît un peu en retard.

Traité de la peste, par un Medecin de la Faculté de Paris (Hecquet), à Paris, rue S. Jacques, chez Guillaume Cavelier fils, 1722, p. 112 à 115.

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