Les incipit de Colette (2)
Assise, le dos las, les mains ouvertes, je reste là comme une
bonne : une promise poyaudine, qui vient de lire la lettre de son
« pays » parti sous les drapeaux n’a pas les yeux plus déserts, la
pensée plus gourde que moi…
La
Retraite sentimentale
*
Autrefois, le rossignol ne chantait pas la nuit. Il avait un
gentil filet de voix et s’en servait avec adresse du matin au soir, le
printemps venu. Il se levait avec les camarades, dans l’aube grise et bleue, et
leur réveil effarouché secouait les hannetons endormis à l’envers des feuilles
de lilas.
Les
Vrilles de la vigne
*
Toutes trois nous rentrons poudrées, moi, la petite bull et la
bergère flamande…
Il a neigé dans les plis de nos robes, j’ai des épaulettes
blanches, un sucre impalpable fond au creux du mufle camard de Poucette, et la
bergère flamande scintille toute, de son museau pointu à sa queue en massue.
Rêverie du
Nouvel An
*
Il n’y a dans notre maison qu’un lit, trop large pour toi, un peu
étroit pour nous deux. Il est chaste, tout blanc, tout nu ; aucune
draperie ne voile, en plein jour, son honnête candeur. Ceux qui viennent nous
voir le regardent tranquillement, et ne détournent pas les yeux d’un air
complice, car il est marqué, au milieu, d’un seul vallon moelleux, comme le lit
d’une jeune fille qui dort seule.
Nuit
blanche
*
Laisse-moi. Je suis malade et méchante, comme la mer. Resserre
autour de mes jambes ce plaid, mais emporte cette tasse fumante, qui fleure le
foin mouillé, le tilleul, la violette fade…
Jour gris
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