Henri Calet a quitté son XIVe arrondissement et
continue la visite des « beaux quartiers » :
J’en fais volontiers l’aveu : j’ai toujours été attiré par les
quartiers riches. […]
Quel calme dans ces rues droites, quelle propreté. Cela me
rappelait la Suisse ou quelque ville d’eaux, toute neuve. De hauts immeubles de
construction récente, des hôtels particuliers, des châteaux au fond des parcs
ombreux… De la verdure partout, des espaces vides, des façades bien
entretenues… ce qui me fait penser que nous aurions grand besoin d’être
ravalés, nous, et non seulement les dehors… Comment se fait-il que nous
salissions à ce point nos demeures et tout ce que nous touchons ? Nous
devons avoir les mains sales.
Les passants, peu nombreux, étaient tous bien habillés. Ils
parlaient sans élever la voix, en une langue qui m’a paru être le français,
légèrement différent du nôtre cependant, dépourvu du moindre accent. En tout
cas, leurs pensées étaient d’une très bonne qualité – c’était visible. Mais
pourquoi l’expression de leurs visages était-elle si sérieuse, et même un peu
tendue ? C’est bizarre. Ils m’ont donné l’impression d’une classe
opprimée.
Et même les deux cantonniers qui mettaient les pavés en équilibre,
travaillaient en silence, correctement. Ainsi, rien ne détonnait à cette heure,
à part moi : je suis une fausse note, partout.
Henri Calet, Les Grandes largeurs
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