jeudi 30 avril 2020

La novlangue, de la « première ligne » à la dernière


On l’aura vue et entendue, celle-là, et ce n’est pas près de s’arrêter : la « première ligne ». Métaphore militaire omniprésente dans les médias et le discours officiel.
Les soignants sont ravalés au rang de troupes de choc bien saignantes. Pourtant, ils n’affrontent ni des tanks ni des mitrailleuses. Et ne cherchent à tuer personne. Nous employons le pronom ils, alors que les soignants sont majoritairement des soignantes. Indigence de ces images belliqueuses tout droit sorties de cerveaux masculins confinés dès avant le confinement.
Une autre expression, toute électrique, fait florès dans le discours officiel : « être sous tension ». Les hôpitaux sont sous tension, etc. Une façon neutre d’éviter de rappeler pourquoi ils sont débordés et manquent de moyens.
Et combien de fois aurons-nous entendu que les masques et les tests, « c’est pour la semaine prochaine » ? la nouvelle version du médiéval : « à Pâques ou à la Trinité » !
Ces périodes de crise sont aussi mortifères pour le vocabulaire : avez-vous remarqué à quel point tout est devenu « compliqué » ? ce qui fait trépasser une bonne douzaine d’adjectifs ; combien tout « explose » ? ce qui dispense d’employer une flopée d’autres verbes, et combien le gouvernement « tranche » ? A force de trancher, que va-t-il lui rester ?
Enfin, l’on constate que l’administratif « décès » l’emporte largement sur la « mort ». Le décès, c’est le non-dit, c’est la mort atténuée. Le soleil et la mort ne se peuvent regarder en face, alors pour le décès…
Sur l’excellent « blog » des correcteurs du Monde
https://www.lemonde.fr/blog/correcteurs/

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